Derniers bastions de la viande locale : comment les abattoirs tiennent le cap

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  • 30 octobre 2025 |
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En marge du dossier « comment les derniers abattoirs résistent » par « LE PROGRES », notre expert Bruno Mortamet, expert-comptable et commissaire aux comptes à Oyonnax, dresse une analyse précise de l’état du marché et des entreprises qui le composent.

Quel est votre regard sur l’état du marché ?

« Sous pression de la baisse de la consommation, de contraintes sanitaires et de marges difficiles à préserver, les abattoirs de nos territoires font face à des défis majeurs. Entre optimisation financière et diversification, leur capacité d’adaptation devient essentielle pour survivre et soutenir la filière locale.

Alors que le nombre d’abattoirs diminue en France depuis plusieurs décennies (une fermeture d’abattoir par mois depuis 2023), les structures encore présentes dans nos territoires continuent de jouer un rôle essentiel. Elles permettent de maintenir une filière locale d’approvisionnement et d’assurer un débouché aux éleveurs. Pourtant, rares sont les secteurs où les défis s’accumulent autant. »

Quelles sont les principales difficultés auxquels se heurtent les entreprises ?

« La consommation de viande baisse régulièrement, en particulier la viande bovine, sous l’effet conjugué d’un pouvoir d’achat contraint et d’une évolution sociétale vers une alimentation plus végétale.
L’image environnementale de ces entreprises, intensives en eau et en énergie, accentue cette pression.

À cela s’ajoutent des contraintes sanitaires parmi les plus strictes du secteur agroalimentaire. Les abattoirs doivent investir lourdement pour rester aux normes et garantir la sécurité sanitaire.
La rentabilité est fragilisée par la faiblesse des marges : entre le prix d’achat des animaux vivants et le prix de vente négocié avec la grande distribution, l’espace est étroit et les variations de marché peuvent rapidement faire basculer les résultats. Et les abattoirs
indépendants peinent à répercuter leurs coûts.

Parmi les autres difficultés du secteur, on peut également citer :

Les difficultés à investir : beaucoup d’abattoirs n’ont pas la capacité de financer le renouvellement de leur outil de production (modernisation des chaînes, traitement de l’eau, équipements de sécurité), même avec les aides publiques existantes.
–  Des problèmes de recrutement et de conditions de travail : la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée (notamment vétérinaires) et les conditions difficiles (travail au froid, bruit, gestes répétitifs) peuvent générer un fort absentéisme et compliquer la gestion sociale.
Concurrence internationale et distorsion de normes : les abattoirs français subissent la compétition de pays où les contraintes sanitaires et environnementales sont moindres (accord UE/Mercosur), ce qui pèse sur leur compétitivité.
Les abattoirs doivent composer avec une matière première vivante et hautement périssable, impossible à stocker. Cette contrainte rend fragile la continuité des approvisionnements et impose une organisation sans faille de la chaîne d’abattage. »

Beaucoup d’abattoirs survivent grâce à des relais de croissance. L’abattage peut être complété par de la transformation en charcuterie, du négoce, ou encore de la valorisation des déchets animaux.

Quelles sont les clés de résilience ?

« Face à ce constat, les dirigeants d’abattoirs ne peuvent se contenter d’un pilotage « à vue ».

Plusieurs leviers sont indispensables :

Un suivi financier précis et régulier : établir mensuellement la marge brute et un calcul du prix de revient complet permet de connaître le seuil de rentabilité et d’anticiper les difficultés plutôt que de les constater a posteriori. Ces tableaux de bord deviennent de véritables outils de décision.
Une optimisation continue des coûts : qu’il s’agisse du transport, de la sous-traitance ou de la consommation énergétique, chaque poste doit être analysé. L’efficacité énergétique devient un enjeu central, d’autant que certaines aides publiques permettent de financer les investissements.
La diversification des activités : beaucoup d’abattoirs survivent grâce à des relais de croissance. L’abattage peut être complété par une activité de transformation en charcuterie, de négoce, ou encore de valorisation des déchets animaux. La vente directe de leurs produits est
aussi un moyen de mieux conserver leurs marges. Ces compléments permettent d’amortir les charges fixes et d’améliorer la profitabilité globale. Pour les abattoirs les plus structurés, cette diversification peut aussi prendre la forme de prestations de services pour d’autres acteurs de la filière viande – éleveurs, boucheries, cantines ou restaurants – renforçant ainsi les synergies locales.
Une gestion prévisionnelle de la trésorerie : la forte variabilité des prix du bétail impose une vigilance constante. Un plan de trésorerie glissant sur douze mois permet d’anticiper les besoins de financement et d’ajuster les négociations bancaires en amont.
Un accompagnement stratégique : au-delà des chiffres, l’expert-comptable doit être un partenaire de réflexion. La recherche d’alliances avec d’autres acteurs locaux, la valorisation d’une image de circuit court ou de bien-être animal sont des pistes pour maintenir la compétitivité. »

Quel rôle joue les abattoirs dans les territoires ?

« C’est un rôle essentiel ! Malgré les difficultés, la survie des derniers abattoirs reste un enjeu majeur pour nos départements. Ils soutiennent l’élevage local, garantissent un ancrage territorial et la traçabilité de la viande, tout en répondant à un enjeu sociétal de souveraineté
alimentaire pour les générations futures. À leurs côtés, l’expert-comptable y a plus que jamais un rôle central pour sécuriser la gestion financière, accompagner la modernisation et aider les dirigeants à trouver de nouvelles solutions. »

Crédit article : LE PROGRES

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