Viticulture : les conseils de Stéphane Giguet, expert-comptable, pour piloter et rentabiliser son exploitation

  • Aurys |
  • 24 septembre 2025 |
  • - Actualités du groupe AURYS
  • - Paroles d'experts
  • - Articles Spécialisés

Stéphane Giguet, expert-comptable à Belleville-en-Beaujolais dans le Rhône, connaît bien les problématiques liées à l’activité viticole, et de manière générale agricole. Il détaille les caractéristiques de ce secteur et présente les leviers et aides sur lesquels s’appuyer.

Comment se distingue le secteur viticole au sein du domaine agricole dans son ensemble ?
« La distinction première réside dans la nature de la production, à savoir une production basée sur des plantations pérennes.

L’engagement de la culture porte par définition sur plusieurs années et le retour sur l’investissement correspond à un temps long. Une plantation ne permet de revendiquer un volume de production qu’à partir de la troisième feuille donc de la troisième récolte.

Contrairement à d’autres secteurs agricoles, la production viticole ne bénéficie pas d’aides directes à la production.

Il s’agit d’un secteur avec des variables économiques (valeur du foncier, coût de production, prix de ventes moyen) très hétérogènes d’une région à une autre, voire d’une appellation à une autre.

Par ailleurs, l’activité viticole comporte potentiellement (hormis le cas de la vente du raisin) une étape supplémentaire dans le cycle de production avec la vinification. Cette étape engendre une différenciation au niveau du produit final.

Enfin, le produit final, à savoir le vin, est un produit à part et multiple dans la mesure où il fait l’objet de nombreux concours, espaces de ventes dédiés, salons ou encore revues et sites spécialisés. »

Quelles sont les difficultés rencontrées dans ce secteur ?
« Le secteur viticole est confronté à une baisse mondiale de la consommation des vins, y compris sur notre propre territoire, depuis plusieurs années en dehors d’un léger rebond sur la période post-Covid.

Avec en parallèle une crise et des incertitudes économiques qui persistent et amplifient les causes structurelles.

D’autres paramètres sont à prendre en compte :

  • l’incidence des aléas climatiques, et donc l’impact sur le volume produit annuellement au travers de rendements de plus en plus aléatoires d’une année à l’autre ;

  • la gestion sanitaire d’une partie des vignobles (lutte contre la flavescence dorée, une maladie grave de la vigne, par exemple) ;

  • une pénurie de main-d’œuvre qui se traduit par des difficultés de recrutement, non seulement de personnels saisonniers, mais également permanents avec des obligations législatives importantes et des investissements associés ;

  • la gestion des normes dans de multiples domaines avec une réglementation importante spécifique à l’activité viticole notamment en termes déclaratifs ;

  • une démographie viticole grisonnante dans un contexte socio-économique incertain : 51 % des exploitations sont dirigées par un exploitant sénior donc une personne âgée de 55 ans ou plus ;

  • une forme de résilience qui se traduit parfois par une forme de latence dans la prise de décisions.

Pour faire face à ces difficultés, il est important que l’exploitant mette en œuvre un certain nombre d’actions pour piloter son activité. »

Quels sont les leviers à activer pour faire face à ces difficultés ?
« La gestion de la surface de production est un levier qui permet de s’adapter au contexte économique afin de préserver ou augmenter sa rentabilité. Nous constatons une tendance à une augmentation de la superficie moyenne par exploitation.

L’autre ressort passe par un meilleur pilotage de la gestion de l’exploitation en sortant souvent d’un pilotage à vue. Il s’agit a minima de connaître et de calculer son coût de production ainsi que ses coûts de revient quelles que soient les modalités de commercialisation (ventes de raisins, en vrac, à des intermédiaires ou en vente directe auprès de particuliers).

Une planification pluriannuelle des investissements et de leur financement est aussi à envisager. Enfin, l’analyse de l’impact d’une sous-production sur un millésime et de la mise en œuvre d’une garantie, ou non, sous forme d’assurance en fonction du coût associé permet d’y voir plus clair.

L’ensemble de ces leviers doit permettre d’éclairer les décisions. »

Si on se focalise sur les pépiniéristes viticoles, quels sont les types d’investissements qu’ils réalisent ?
« La mise en œuvre d’une plantation, ou plus précisément la gestion de son parcellaire viticole, demande une réflexion pluriannuelle et une vision à long terme. Le “potentiel” végétal conditionne une projection économique.

Bien souvent, le cahier des charges de l’aire de production réglemente les modalités de plantation et laisse peu de latitudes.

Le coût d’une plantation (jusqu’à la 3e feuille) est généralement compris dans une fourchette allant de 20 000 € à 50 000 € par hectare en fonction de la zone géographique et des caractéristiques propres (densité, contrainte géographique, aménagements apportés…).

Les solutions de financement des plantations proposées par les partenaires bancaires sont souvent inadaptées à la nature de l’investissement avec des durées de financement qui ne dépassent pas 12 ans alors que la durée de vie économique et de production d’une plantation sera nettement supérieure avec d’ailleurs un amortissement comptable légalement fixé à 25 ans. »

Quels conseils donner aux viticulteurs, et de manière générale aux professionnels du monde agricole ?
« Je n’oublie pas que les activités agricoles sont portées par des personnes qui ont un attachement à la “terre” et demeurent souvent dans le cadre de transmission familiale. Il n’en demeure pas moins qu’une approche économique doit être mise en œuvre.

Il existe bien évidemment des similitudes d’une exploitation à une autre relatives à des éléments de production et/ou de commercialisation.

Néanmoins, chaque exploitation a ses particularités et chaque exploitant ou dirigeant aura sa propre vision en fonction de critères personnels et d’orientations prises.

Toutefois, d’un point de vue économique et j’insiste sur ce point, il me paraît important voire primordial de connaître son ou ses prix de revient rattachés à sa production. Puis, il semble pertinent de se projeter et de mettre en perspective différents scénarios de réalisation selon des hypothèses émises en matière d’investissements, de production et de commercialisation.

Nous avons de plus en plus régulièrement, et à juste titre, des demandes d’accompagnement en la matière y compris sur des prévisionnels de trésorerie. D’une manière plus générale, et selon l’adage, « gérer, c’est prévoir ». »

Espace Client
Contact